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Réaction conjointe des organisations de la société civile : Sommet UE-UA, de nombreuses questions essentielles sans réponse

By 25 février 2022octobre 4th, 2023No Comments

Communiqué de presse

Le Sommet entre l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE) qui s’est tenu les 17 et 18 février 2022 à Bruxelles, visait à renforcer la coopération entre l’UA et l’UE, “sur la base d’intérêts et de valeurs partagées”. Il a donné lieu à une déclaration politique conjointe. Ce Sommet était l’occasion pour les dirigeant·e·s européen·ne·s d’œuvrer ensemble pour mettre fin, non seulement à la pandémie de COVID-19, mais aussi aux épidémies persistantes comme celles du VIH/sida, de la tuberculose, du paludisme, en soutenant des mécanismes durables pour le renforcement des systèmes de santé.

Nous saluons le fait que la santé ait figuré parmi les priorités de l’agenda politique du Sommet et que l’initiative Team Europe ait pris des engagements importants dans le domaine de la santé. Pour autant, force est de constater que nous ne savons toujours pas comment certaines de ces initiatives seront financées, quel type de soutien leur sera fourni (subventions, prêts ou financement mixte), comment ces initiatives seront reliées entre elles pour créer une approche cohérente, ni quelle sera leur impact à long terme. De plus, malgré l’appel de l’UA et de la société civile à soutenir la levée des droits de propriété intellectuelle sur les traitements anti-COVID de façon urgente, cette discussion n’a abouti à rien de concret, hormis une clause de revoyure pour les prochains mois.

Financement de la santé pour lutter contre le COVID-19 et au-delà

La présidente de la Commission, Mme Von der Leyen, a récemment annoncé une enveloppe à court terme de 125 millions d’euros pour soutenir la livraison de 450 millions de doses de vaccin anti-COVID. Cette annonce porte donc le renforcement du travail de la Team Europe à hauteur de 425 millions d’euros. Jusqu’à présent, les coûts de livraison ont été largement sous-financés, et nous nous félicitons donc de ce nouvel investissement. Cependant, des fonds supplémentaires sont nécessaires pour couvrir les coûts réels de la livraison jusqu’au dernier kilomètre, y compris les fonds mobilisés par le mécanisme ACT-A et l’African Union Vaccine Acquisition Trust (AVAT). Les dirigeant·e·s de l’UE devraient s’efforcer de contribuer équitablement à l’initiative ACT-A, en répondant aux besoins précisés dans le nouvel argumentaire financier d’ACT-A.

En amont du Sommet, le Global Gateway Investment Package a été lancé, incluant certains engagements en matière de santé, notamment 1,15 milliard d’euros provenant du budget de l’UE pour le renforcement des systèmes de santé, qui devrait être complété par un milliard d’euros de l’initiative Team Europe. Nous saluons l’annonce par l’UE de l’octroi de 20 millions d’euros pour soutenir l’opérationnalisation de l’Agence africaine des médicaments (AMA) ainsi que l’engagement de la Team Europe de soutenir l’AMA au cours de la prochaine décennie.

La lutte contre les produits médicaux non réglementés et falsifiés reste un défi majeur en Afrique, et c’est pour cela que l’harmonisation des systèmes de normes contribuera à accélérer et à améliorer l’autorisation des produits médicaux sur le continent. L’initiative Team Europe avait annoncée l’année dernière une contribution d’un milliard d’euros sur la fabrication et l’accès aux vaccins, aux médicaments et aux technologies de la santé (appelée Manufacturing and Access to Vaccines, Medicines and Health Technologies, MAV+). Cette annonce devrait jouer un rôle important pour faciliter l’accès équitable aux vaccins et aux autres technologies de la santé en Afrique. Pour cela, il est essentiel de combler les manques en matière d’approvisionnement (par exemple, en facilitant les transferts de technologie) et de fourniture (par exemple, en soutenant la recherche sur la mise en œuvre et l’innovation en matière de santé). Le dispositif MAV+ devrait également être étendu à d’autres pays et régions d’Afrique et compléter d’autres initiatives telles que l’initiative OMS-BEI de 500 millions d’euros pour soutenir les systèmes de santé en Afrique ou le partenariat Afrique-UE pour la recherche clinique – EDCTP3 – doté de 1,6 milliard d’euros. Toutes ces initiatives doivent être alignées et axées sur la contribution au renforcement des systèmes de santé africains, car cela reste une condition préalable à la couverture sanitaire universelle et à la préparation et la réponse aux pandémies.

Il s’est avéré difficile de déterminer d’où proviendrait le financement de certaines initiatives en raison du manque de transparence des annonces faites. En effet, certaines annonces financières semblent reposer sur la réorientation de fonds déjà engagés ou un “reconditionnement” de la programmation géographique des NDICI. D’autres annonces reposent sur les flexibilités budgétaires et l’engagement de réserves d’urgence. Par conséquent, nous ne savons pas exactement combien de nouveaux fonds pour la santé sont engagés dans le cadre du Global Gateway. En tant que société civile, nous demandons de la transparence et la mobilisation de fonds supplémentaires de la part de l’UE et des États membres. Ces fonds sont nécessaires pour renforcer l’équité et l’inclusion en matière de santé, lutter contre la pandémie et relever d’autres défis urgents en matière de santé mondiale.

Nous saluons l’approche à long terme de la souveraineté sanitaire et de l’équité en matière de vaccins, mais nous rappelons que de grands enjeux restent d’actualité car cette pandémie n’est pas terminée. Nous devons nous attaquer aux défis à court terme, en mobilisant rapidement des fonds et en levant immédiatement les barrières liées à la propriété intellectuelle.

Refus d’actions concrètes sur l’évolution des normes de propriété intellectuelle et les droits et santé sexuels et reproductifs 

Depuis l’annonce du premier vaccin anti-Covid, des militant·e·s et des universitaires du monde entier demandent une dérogation temporaire des droits de propriété intellectuelle sur les vaccins et traitements anti-Covid, afin de permettre une production et une distribution rapides de ces outils qui sauvent des vies. Tout au long du Sommet, les dirigeants africains ont été clairs quant à leur objectif de dérogation temporaire des accords ADPIC, actuellement négociée à l’Organisation mondiale du commerce. Malgré cela, la Commission européenne et certain·e·s dirigeant·e·s européen·ne·s continuent de bloquer cette dérogation, dégradant de fait les relations entre l’Europe et l’Afrique. La déclaration finale du Sommet reste vague sur les droits de propriété intellectuelle et elle ne fournit aucun engagement concret ou contraignant sur le transfert de technologie et de savoir-faire. Les dirigeant·e·s européen·ne·s ont décidé de reporter la discussion sur ce thème de quelques mois, en acceptant de discuter davantage avec les dirigeants africains au printemps.

Nous connaissons déjà les besoins actuels et les solutions souhaitables pour y répondre. Et c’est pour cela que nous demandons à l’UE de faire preuve de véritable solidarité dans la réponse internationale à la crise du Covid-19 en soutenant la levée temporaire des brevets des produits anti-Covid, et en réformant les accords ADPIC. Dans le cadre de la préparation aux futures pandémies, nous appelons l’UE à porter des engagements forts et contraignants qui permettent réellement le transfert de technologie et de savoir-faire. L’objectif commun doit être de favoriser la production locale d’outils de santé afin que l’Afrique ne se retrouve plus jamais laissée pour compte en cas de crise sanitaire.

Enfin, nous déplorons l’absence d’un engagement en faveur de l’accès universel aux droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR) dans la déclaration politique conjointe, malgré les appels lancés par la société civile et la jeunesse avant le Sommet pour que les DSSR soient abordés comme une priorité. Les DSSR sont essentiels au développement humain, à l’égalité de genre et à la réalisation de la couverture sanitaire universelle. Si nous saluons le développement d’une initiative de Team Europe sur les DSSR en Afrique subsaharienne, nous appelons l’UE et l’UA à mettre en œuvre des politiques ambitieuses et à allouer des fonds adéquats au respect des DSSR pour toutes et tous.