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Quelques idées reçues sur le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme

By 20 juin 2016novembre 9th, 2023No Comments

En 2016 le Fonds mondial organise la 5ème reconstitution de ses ressources qui couvrira la période 2017-2019. Afin de répondre aux besoins des pays bénéficiaires et à l’Objectif de développement durable de mettre fin aux épidémies de VIH, de tuberculose et de paludisme d’ici 2030, le Fonds a estimé avoir besoin de 13 milliards de dollars pour cette période de trois ans. Deuxième contributrice internationale du Fonds mondial et première européenne depuis la création du Fonds en 2002, la France a récemment baissé ses contributions en 2015 et 2016 et n’a pas encore annoncé le montant de son engagement pour la période 2017-2019.

Le Fonds mondial concentre beaucoup de débats et concentre un certain nombre de critiques quant à son modèle de fonctionnement. Alors que certaines peuvent être justifiées, il convient néanmoins de souligner que le Fonds, en presque 15 ans d’existence, a sans cesse rénové et perfectionné sa stratégie et son modèle de financement pour corriger ses défauts et ses faiblesses.

Idée reçue n°1 : « Le Fonds mondial a trop de trésorerie »

L’importance de la trésorerie du Fonds est primordiale pour s’assurer que les programmes de prise en charge des pandémies ne s’arrêtent pas en cours de réalisation en cas de non-respect des engagements financiers des Etats. En effet, le système de reconstitution des ressources du Fonds mondial est un mécanisme de contributions volontaires annuelles qui porte le risque intrinsèque que les engagements triennaux des Etats ne soient pas couverts. A titre d’exemple, après la crise financière de 2008, certains pays ont stoppé net leurs financements ! Ainsi, si la France n’honore pas la contribution totale de 1,08 milliards d’euros à la fin 2016 à laquelle elle s’était engagée, ceci pourrait mettre le Fonds mondial dans une situation très délicate avec des programmes engagés mais non financés.

Afin d’améliorer le décaissement effectif de ses subventions sur le terrain et d’aider les pays à utiliser de la meilleure façon possible l’argent qui leur est alloué, le Fonds a repensé son modèle de financement en 2014 afin de réduire la complexité du processus de demande de subventions et de réduire les délais. Il a également mis en place plusieurs initiatives, dont l’Implementation Through Partnership qui vise à renforcer les capacités des pays récipiendaires dans la gestion des subventions, à augmenter l’efficacité opérationnelle et à maximiser l’impact des financements du Fonds mondial.

Idée reçue n°2 : « Le Fonds mondial ne renforce pas les systèmes de santé »

Certaines critiques reprochent au Fonds mondial d’avoir eu une approche verticale en privilégiant les 3 pandémies et d’avoir ainsi fragmenté les systèmes de santé nationaux. Conscient de ces critiques, le Fonds a à cœur de permettre le renforcement de ces systèmes en consacrant 40% des investissements à l’amélioration des systèmes de santé. Son rapport de 2015 précise d’ailleurs que sa mission première « ne peut être remplie sans des systèmes de santé efficaces ». Concrètement, l’action du Fonds mondial pour ce renforcement passe par :

  • le soulagement des systèmes de santé en luttant contre les trois pandémies: à Zanzibar, le recours accru aux moustiquaires, à la pulvérisation intra-domiciliaire et aux combinaisons à base d’artémisinine a entraîné une baisse de 78% des hospitalisations.
  • le soutien aux systèmes d’information afin que les pays puissent se doter d’une meilleure riposte aux maladies: en Ethiopie, le Fonds mondial a soutenu un système intégré d’information sur la gestion de la santé qui a été déployé dans 93% des hôpitaux et 80% des établissements de santé. Ces logiciels permettront le renforcement de l’utilisation des données pour la planification et la prise de décision en santé.
  • le renforcement des compétences des professionnels de santé : au Zimbabwe, le Fonds mondial a financé la formation de 20 000 professionnels de santé essentiels afin de lutter contre l’exode du personnel de santé suite à l’effondrement de l’économie nationale en 2008-2009. Cela a considérablement renforcé la couverture des services de santé.
  • l’amélioration des chaînes d’approvisionnement: au Ghana et au Nigeria, le Fonds mondial collabore avec les gouvernements et ses partenaires pour améliorer la gestion des chaînes d’approvisionnement à travers la planification des produits, la gestion de la logistique, l’entreposage et le suivi des informations.
  • la promotion de la couverture sanitaire universelle: au Rwanda, le Fonds mondial investit dans le développement d’assurances-maladie communautaires afin d’augmenter l’utilisation des services chez les patients en situation financière difficile. Ainsi, les populations pauvres, clés et vulnérables n’ont plus à payer des sommes importantes de leur poche pour obtenir des soins de santé essentiels.

Idée reçue n°3 : « la contribution française au Fonds mondial n’est pas visible »

L’aide multilatérale confèrerait une faible visibilité à l’action de la France. En plus d’être en totale incohérence avec l’objectif d’efficacité qui est censé motiver les choix budgétaires, cet argument est erroné puisqu’au contraire, la contribution française au sein des fonds multilatéraux lui permet de peser politiquement et culturellement sur la gouvernance et les priorités de l’organisation. Par ailleurs, le financement multilatéral n’empêche pas le financement bilatéral : prenons l’exemple de l’Initiative 5%, un outil bilatéral au sein de la contribution française au Fonds mondial créé en 2010 et piloté par le Ministère des affaires étrangères et exécuté par Expertise France. 5% de la contribution annuelle française au Fonds mondial, soit 18 millions d’euros par an pour 2014-2016, sont affectés au renforcement de l’expertise technique des pays francophones et à l’amélioration de leur appropriation des programmes financés par le Fonds. L’initiative a permis de rendre plus visible les 95 autres pourcent du financement de la France, notamment par l’amélioration de l’efficacité et de l’impact des subventions du Fonds mondial et par la mobilisation de l’expertise française et francophone. L’initiative est déclinée en deux canaux d’intervention : le canal 1 qui sert à répondre aux besoins ponctuels en expertise de haut niveau pour la mise en œuvre, le suivi ou encore la conception et la mesure d’impact des subventions et le canal 2 qui sert à financer des projets d’expertise de 2 à 3 ans répondant à des besoins programmatiques ou à des problèmes structurels des pays bénéficiaires (actuellement le canal 2 finance une trentaine de projets en cours). Aussi, le Ministère des affaires étrangères souligne dans un rapport[1] que le secteur de la santé en France est exemplaire en matière de complémentarité entre les composantes bilatérales et multilatérales.

Et n’oublions pas les nombreux avantages qu’apporte le canal multilatéral : financements à grande échelle, expertise spécialisée, soutien d’initiatives innovantes, légitimité à agir en situation de conflit et dans les pays où les donateurs bilatéraux ne sont pas les bienvenus.

Idée reçue n°4 : « Le Fonds mondial n’agit pas dans les pays prioritaires de la France » 

Pour maximiser l’impact de l’aide en santé dans les zones prioritaires de la stratégie française, la France peut travailler avec le Fonds mondial qui a activement participé à la réduction de la morbidité et de la mortalité liée au sida, à la tuberculose et au paludisme dans les seize pays prioritaires de l’aide française[2] et dans les pays d’Afrique francophone. A titre d’exemple, en République démocratique du Congo, l’incidence du VIH a diminué de 55% entre 2000 et 2014 et celle du paludisme de 43% ; en Côte d’Ivoire, l’incidence du VIH a diminué de 62%, celle de la tuberculose de 53% et celle du paludisme de 28%[3]. Sur la période 2014-2016, les pays d’Afrique francophone ont bénéficié de 25% des allocations du Fonds mondial (dont certains PPP). De plus, 93% des montants multilatéraux en santé dans les pays francophones proviennent du Fonds mondial, son rôle est donc crucial en matière de lutte contre les 3 pandémies dans ces pays[4].

Ainsi, l’investissement dans les missions du Fonds mondial permet à la France de joindre ses forces aux autres bailleurs et d’intervenir dans un domaine dans lequel elle pourrait difficilement obtenir seule les mêmes résultats.

Alors que les besoins sanitaires sont encore immenses, le Collectif Santé Mondiale demande à la France d’honorer sa contribution au Fonds mondial pour 2014-2016 (1,08 milliard d’euros engagé) et d’annoncer une nouvelle contribution d’au moins 1,08 milliard engagé pour 2017-2019 afin de participer à l’atteinte des objectifs du Fonds mondial. En effet, cet outil pertinent dans la lutte contre les 3 pandémies a un impact considérable dans les régions prioritaires de la stratégie française.

[1] Rapport bisannuel 2014 sur la mise en œuvre de la stratégie française d’aide au développement (2012-2013), Ministère des Affaires étrangères et du Développement international

[2] Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo

[3] Fonds mondial, Results Report 2015

[4] VIH/Sida, Tuberculose, paludisme et aide au développement en Francophonie, Amis du Fonds mondial Europe, Janvier 2016