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Adoption de la loi sur la politique de développement et de solidarité internationales à l’Assemblée Nationale : de bonnes intentions sans moyens pour les mettre en œuvre.

By 19 juin 2014novembre 24th, 2020No Comments

Pour la première fois dans l’histoire de la cinquième République, les parlementaires ont pu débattre et voter ce qui devait être une grande loi sur le développement. La participation des parlementaires dans un domaine si fondamental de l’action extérieure française est en effet la bienvenue et témoigne d’une prise de conscience de la nécessité d’inclure le développement international dans toute stratégie diplomatique, et d’y associer le citoyen à travers la représentation nationale.

Cette loi sonne pourtant comme un pied de nez fait aux pays du Sud: comment comprendre une loi qui détaille les actions de la France et réaffirme l’ambition budgétaire de 0,7% du RNB alloué à l’APD quand en parallèle le Gouvernement ne cesse de réduire le budget dédié à la solidarité internationale dans les lois de finances successives ? Comment comprendre une loi dite de programmation qui ne comporte aucun volet budgétaire? A ceci, la Secrétaire d’Etat en charge du développement et responsable du projet de loi répond : « Je tiens à redire que les lois de programmations ne doivent pas nécessairement comporter des éléments budgétaires. Dans le contexte actuel et en vue du trianium budgétaire, cela n’aurait pas été opportun. ». Les populations bénéficiaires de l’aide française apprécieront.

Au delà de la question des moyens, certains points du texte restent motifs d’inquiétude : la commission mixte paritaire a supprimé la lutte contre la sous-nutrition des priorités sanitaires de la France, alors qu’elle est en cause dans 45% des décès des enfants de moins de cinq ans. D’autre part, si la recherche de financements innovants est encouragée, il n’est pas rappelé qu’elle doit être additionnelle à une APD forte plutôt que de compenser sa diminution. Enfin les efforts en termes de recherche et de développement se limitent aux maladies tropicales négligées or, si fondamentales soient-elles, il ne faut cependant pas exclure de l’effort de recherche les autres épidémies, dont la tuberculose, qui ne disposent pas des outils adéquats pour garantir leur contrôle.

Mais si la critique est essentielle pour le jeu démocratique et justifiée, il est important de souligner les avancées positives qui émanent de cette loi.Tout d’abord les grands principes posés par le texte vont dans la bonne direction : respecter l’approche par les droits, affirmer le principe de cohérence des politiques en vue d’assurer le développement – considérer le développement non pas comme un champ autonome mais intimement lié aux politiques économiques, de défense – affirmer le rôle et la complémentarité de tous les acteurs (organisations de la société civile, secteur privé, collectivités territoriales), garantir une responsabilité sociétale et environnementale des acteurs privés et publics agissant dans les pays du Sud. Le chapitre sur la santé est un pilier de la loi et c’est un message positif que de réaffirmer ce secteur comme grande priorité de la France en matière de développement, et de mettre l’accent sur la Couverture Sanitaire Universelle et la santé maternelle et infantile.

Toutefois, la question de l’application de cette loi reste entière, il faut donc rester très vigilants sur sa mise en œuvre. Que va-t-il advenir des financements dédiés à l’aide multilatérale, dont la loi précise la complémentarité avec l’aide bilatérale, mais dont on sait pourtant qu’ils sont parfois remis en cause par certains malgré leur efficacité avérée ? Comment vont être élaborés les indicateurs du développement ? Par ailleurs, la Charte sur la recherche au service du développement, qui sera élaborée par la CICID et les acteurs français de la recherche, est une bonne initiative mais ne doit pas rester lettre morte. Il en va de même pour l’ « Agence française d’expertise technique internationale » crée par la loi et qui doit être pleinement opérationnelle.

Or, de tels objectifs ne pourront être réalisés sans moyens. La France est en effet très loin de l’objectif de 0,7% du RNB dédié à l’APD : elle atteint seulement 0,41% en 2013. On peut dès lors très sérieusement douter de la volonté de nos décideurs politique d’atteindre cet objectif lorsque l’on constate que la France a réduit de près de 10% son APD en 2013 selon l’OCDE et de 6% en 2014 dans le PLF.

La France a démontré sa capacité à fixer de grandes orientations et à définir un cadre d’action ambitieux pour le développement ; il convient à présent de s’engager financièrement lors du prochain projet de loi de finance et du triennum budgétaire afin de donner des moyens pour mettre en œuvre les objectifs affichés par la loi.