Entretien avec Taryn Russell, Directrice Exécutive de l’ONG Résultats Canada
1. Quel bilan dressez-vous des résultats de la présidence canadienne du G7 en 2025 ? Quelles seraient vos recommandations pour la présidence française à venir ?
Le Canada a assuré la présidence du G7 à une période tumultueuse. Les coupes massives dans l’aide américaine, l’aggravation des conflits et l’augmentation des besoins humanitaires dans le monde entier nécessitaient une action audacieuse et urgente de la part du système multilatéral.
La présidence canadienne du G7 n’a pas su saisir cette occasion et démontrer ce que le G7 pouvait accomplir. Il n’y a eu aucun engagement significatif en matière de coopération internationale, que ce soit sous forme d’engagements financiers ou d’appels à l’action. J’ai également été déçue de constater que la santé, un domaine dont le G7 a toujours été un fervent défenseur, n’a pas été abordée.
Ce manque d’ambition s’explique en partie par la situation politique intérieure du Canada. Notre ancien Premier ministre, Justin Trudeau, a démissionné en janvier 2025. Nous avons ensuite connu des élections et le nouveau Premier ministre, Mark Carney, a accueilli le sommet des dirigeants du G7 six semaines après son entrée en fonction. Au cours de cette même période, le Canada a été entraîné dans une guerre commerciale avec le président américain Donald Trump et la gestion des conséquences de la hausse des droits de douane est devenue la priorité absolue.
Pour le G7 français, je recommanderais au gouvernement d’avoir des consultations plus significatives avec les parties prenantes, y compris la société civile. Cela a largement fait défaut lors de la présidence canadienne et c’est l’une des raisons pour lesquelles les priorités énoncées ne semblaient pas refléter ce que nous constatons dans notre travail.
J’encourage également le gouvernement français à s’appuyer sur les succès passés du G7. Le G7 a lancé et encouragé certaines des initiatives les plus marquantes de l’histoire, notamment le Fonds mondial de lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme. Le Fonds mondial a sauvé des millions de vies, mais a également contribué à l’économie mondiale. Chaque dollar investi a permis de libérer 2,9 milliards de jours d’hospitalisation, d’éviter 5,5 milliards de consultations externes et de générer environ 103 milliards de dollars américains d’économies et 400 milliards de dollars américains de gains de productivité.
2. Quelles seraient les priorités les plus urgentes sur lesquelles les pays du G7 devraient s’accorder afin de réduire les inégalités en matière d’accès à la santé à l’échelle mondiale ?
Le G7 devrait se concentrer sur le renforcement des systèmes de santé dans les pays à revenu faible et intermédiaire, en investissant dans les soins de santé primaires et le personnel de santé, en particulier les agents de santé communautaires, qui sont la colonne vertébrale de la prestation de services dans de nombreux contextes. Des systèmes de santé plus solides sont essentiels non seulement pour parvenir à une couverture sanitaire universelle, mais aussi pour renforcer la résilience face aux futures pandémies et crises.
L’accès équitable doit être un pilier central de l’approche du G7. Cela signifie veiller à ce que les outils vitaux, des vaccins et traitements aux services de diagnostic et de nutrition, parviennent à ceux qui en ont le plus besoin. Les pays du G7 devraient promouvoir des politiques qui favorisent l’accessibilité financière, soutiennent la fabrication locale et régionale et garantissent une distribution équitable des contre-mesures médicales en cas d’urgence sanitaire.
Dans le même temps, le G7 doit intensifier ses investissements dans la recherche et le développement (R&D) qui répondent aux priorités des pays à revenu faible et intermédiaire. Cela implique notamment de soutenir l’innovation dans le domaine des maladies négligées, les capacités de diagnostic et les technologies de santé résilientes au changement climatique, tout en favorisant la science ouverte, le transfert de technologies et l’utilisation responsable des technologies émergentes telles que l’intelligence artificielle.
En associant un accès équitable à des investissements inclusifs dans la R&D, le G7 peut contribuer à réduire les inégalités mondiales en matière de santé, à accélérer les progrès vers la couverture sanitaire universelle et à mettre en place des systèmes de santé durables et centrés sur les personnes, capables de protéger chacun.e, partout dans le monde.
3. Compte tenu de la tendance à la baisse des financements consacrés à l’APD, quelles décisions les pays du G7 devraient-ils prendre pour rendre l’APD plus adaptée aux défis mondiaux en matière de santé ?
Tout d’abord, les pays du G7 devraient inverser la tendance et cesser de réduire l’aide publique au développement (APD), qui reste un outil essentiel dans les pays où les gouvernements n’ont pas les moyens ou ne sont pas en mesure de fournir des services essentiels à leur population. Cela vaut notamment pour les situations humanitaires, où les besoins vitaux ont explosé alors que les contributions des bailleurs se tarissent.
Les pays du G7 devraient également continuer à donner la priorité à la résolution du problème du niveau insoutenable de la dette qui pèse sur de nombreux pays à faible et moyen revenu. Les ressources colossales nécessaires pour rembourser cette dette réduisent d’autant les ressources nationales pouvant être consacrées à la santé et au bien-être de leurs populations.
Enfin, le G7 devrait examiner les moyens de rendre ses propres investissements en matière d’APD plus adaptés aux besoins réels des pays bénéficiaires. Cela peut se faire en renforçant les capacités régionales, par exemple en matière de fabrication de vaccins, de médicaments et d’autres articles médicaux. Cela signifie également qu’il faut veiller à une inclusion plus significative des pays bénéficiaires dans la gouvernance des institutions mondiales de santé et des banques de développement afin de garantir qu’elles répondent aux besoins nationaux.

